Les aveux des populations de la Ouaka : Où en sommes-nous avec Bambari sans armes ?

Après avoir écouté et échangé avec les autorités locales et les responsables de la MINUSCA à Bambari pendant plus de deux heures, Paul, chef du site des déplacés « Alternatif », prend une décision : « Avec les explications qu’on vient de nous donner, je suis prêt à conduire la Force et la Police de la MINUSCA vers les tentes où vivent des gens qui possèdent des armes ». Aline voudrait procéder de la sorte, surtout « lorsqu’elle voit une maison tout d’un coup habitée par des hommes inconnus alors que le lieu était vide quelques jours plus tôt », mais elle ne cache pas une certaine crainte de devoir parler.

 

C’est précisément contre la peur et pour appeler les populations à l’aider dans la lutte qu’elle mène depuis quelques semaines à Bambari et ses environs, que la MINUSCA multiplie les rencontres avec les communautés locales. Les sessions ont commencé la dernière semaine de février. Ils sont entre 35 et 40 hommes et femmes, la plupart des leaders communautaires, religieux, chefs de sites de personnes déplacées et représentants de groupements de la rive droite de la Ouaka, le cours d’eau qui donne le nom à la préfecture et traverse la deuxième ville de la République centrafricaine.

 

Le chef de bureau de la MINUSCA à Bambari, Alain Sitchet, explique l’opération lancée par la Mission dans la ville et pour laquelle il a fallu déployer des militaires du Gabon, du Portugal, du Bangladesh et des policiers de la Mauritanie et de la République du Congo, venus s’ajouter aux soldats de la paix mauritaniens et burundais, qui étaient déjà surplace. « Nous voulons éviter la guerre à Bambari. Nous ne laisserons pas les groupes armés contrôler Bambari et prendre les populations en otage. Les groupes armés ne défendent que leurs propres intérêts », lance-t-il. Une voix parmi la foule fait part de ses doutes : « Moi, je dis que c’est juste Bambari sans les leaders des groupes armés car les armes et les groupes sont encore dans la ville. Quelle est la stratégie de la MINUSCA ? ». D’autres participants veulent avoir des informations sur la sécurité dans les camps de déplacés et sur les exactions commises ailleurs par les éléments armés qui ont quitté la ville…

 

Le chef du détachement de l’unité de police mobile congolaise demande de la patience et rassure ces leaders : « nous avons fait face à des situations identiques à Bria, à Bangui et nous sommes là pour vous aider. N’ayez pas peur ». Le chef du poste de commandement avancé de la Force explique les mesures prises notamment un couvre-feu dans la ville de 19h00 à 6h00, annonce le lancement d’un numéro de téléphone gratuit pour permettre d’alerter les casques bleus et appelle la population à avoir confiance et à coopérer avec la MINUSCA. Le même message est réitéré par le commandant de la force portugaise : « Nous sommes là pour vous protéger mais pour réussir, nous avons besoin de vous ». Le secrétaire-général de la préfecture de la Ouaka renchérit : « la population ne doit pas fermer les yeux face aux projets de ces malfaiteurs des groupes armés. La sécurité c’est l’affaire de chacun. Chacun doit veiller à la paix dans sa localité». La réunion se termine au bout de deux heures et quinze minutes. Les participants semblent satisfaits des explications apportées par la Mission onusienne, le maire et la préfecture.

 

Au même moment, au PK0, sur la rive gauche, on s’active avant le départ du convoi hebdomadaire vers Bangui. Plusieurs dizaines de têtes de bœufs sont entassés dans les camions, des passagers sont assis sur les cabines des véhicules… Le convoi partira une heure plus tard sous escorte des casques bleus jusqu’à la capitale. Dans d’autres localités, le scénario est le même ; les populations vaquent à leurs occupations, les marchés grouillent de monde tandis que quelques 25 jeunes hommes et femmes de différents quartiers nettoient la ville, dans le cadre d’un projet d’une ONG. Depuis le départ des chefs du Mouvement pour l’Unité et la Paix en Centrafrique (UPC) et des anti-balakas grâce à la MINUSCA, un « vent nouveau souffle sur la ville », selon un responsable local. Disparus, les hommes en armes et en uniforme dans la ville…

 

Postes fixes, patrouilles et opérations

 

La présence des casques bleus n’est pas étrangère à ce tableau. Le début des affrontements entre l’UPC et la coalition du Front Populaire pour la Renaissance de la Centrafrique (FPRC), en novembre 2016 à Bria, et la menace de la coalition d’attaquer Bambari a poussé la MINUSCA à adapter sa stratégie. Certains contingents occupent des positions fixes hors de la ville, d’autres sont chargés des actions de réaction rapide. Il y a aussi ceux qui occupent des postes fixes comme au croisement des routes vers Bakala et Bangui. Ici, des patrouilles pédestres sont menées régulièrement pour prévenir les infiltrations et pour rassurer les populations environnantes.

 

Ailleurs, d’autres soldats de la paix occupent des postes avancés conformément aux mesures prises par la Mission d’empêcher la guerre dans la ville ou mènent des missions concrètes comme la frappe aérienne contre une quarantaine d’hommes lourdement armés qui tentaient de s’infiltrer dans la ville ou la sécurisation de l’exfiltration de déplacés qui étaient retenus contre leur gré par la coalition dans la ville d’Ippy.

 

Les pick-up et les véhicules blindés de la MINUSCA changent l’atmosphère dans la ville. Ici, les institutions et points stratégiques sont également gardés par les casques bleus. Comme la cour d’appel, l’hôpital ou la gendarmerie où il ne reste plus que deux gendarmes centrafricains, depuis l’assassinat de six de leurs collègues par des hommes armés. L’adjudant-chef et responsable des lieux salue le déploiement prochain de policiers et gendarmes centrafricains mais propose que les autres acteurs de la justice soient également dépêchés à Bambari. « Voyez là-bas, la maison d’arrêt est vide », dit-il.

 

De nouveaux déplacés dans les sites de Bambari

 

Les affrontements entre les deux groupes armés de l’ex-Seleka ont entrainé un drame humanitaire entre la Haute-Kotto et la Ouaka, avec plusieurs morts et plus de 20.000 déplaces, selon les chiffres des agences des Nations Unies. Des hommes, des femmes et des enfants ont fui Bakala, Ippy, Maloum et d’autres localités, et plusieurs d’entre eux se retrouvent aujourd’hui dans les camps de déplacés de Bambari comme ceux de « Sangaris » et « Alternatif ». « La population du site était tombée de 15.000 à 9.000 personnes mais elle risque d’augmenter car nous avons enregistré l’arrivée de déplacés des zones touchées par les combats. Nous n’avons pas encore le chiffre exact car le recensement est en cours », explique Joseph, chef du site « Sangaris ».

 

Joseph affirme que la présence des groupes armés a perturbé l’avenir de ses enfants. Alors, ce membre d’un des réseaux d’alerte précoce mis en place par la MINUSCA a décidé de sensibiliser les jeunes à ne pas se laisser enrôler par ces mouvements. Quant à Jean Gilbert, chef d’un des huit blocs du site, il attend surtout que les groupes armés participent au DDRR (Désarmement, démobilisation, réintégration, rapatriement) : « C’est à ce moment que nous regagnerons nos maisons et abandonnerons les sites ».

 

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